Un mécanisme qui s'enraye

Il ne fait pas très clair dans cette ruelle sombre du Niveau Industriel. Si l'heure très matinale y est pour quelque chose, le peu d'éclairages publics n'y changera pas grand chose, lorsque la luminosité s'accroîtra un peu plus tard ; l'aube artificielle d'un nouveau jours tout aussi peu naturel. Mais ces ruelles sombres sont le milieu de prédilection de ces individus qui trempent dans l'illégal. Qu'ils frôlent les limites, ou les dépassent largement, aucun d'eux ne tient particulièrement à se trouver dans les allées larges et surveillées du Niveau Commun - celui qu'on surnomme Bonheur des Dames - surtout lorsqu'il se livre à son trafic.

Car c'est bien de trafic dont il s'agit, en cette heure où les honnêtes citoyens se reposent encore. De toute façon, Nog' n'a pas besoin de dormir : cela est un besoin purement organique. Peut-être cependant prend-il le temps, chaque nuit, de s'allonger pour quelques heures, pour laisser vagabonder son imagination ? Ces ersatz de rêves l'éloignant encore un peu de sa fratrie tant méprisée ?

Quoi qu'il en soit, en ce jour, à cette heure précise, il s'apprête à retrouver son fournisseur habituel en explosifs, Derry-les-chicots, un homme peu recommandable, qui arrondit ses fins de mois en refourgant les produits dangereux qu'il chipe régulièrement dans les caisses qu'il est payé pour transporter d'un entrepôt à un autre. C'est d'ailleurs devant un entrepôt qu'il a donné rendez-vous à Nog'. Le Niveau Industriel en regorge, de ces vieux entrepôts abandonnés, encore à moitié remplis de caisses en tout genre, marchandises abandonnées par quelque entreprise en faillite. L'avantage, c'est que si les flics, ou des gêneurs débarquent, y a de quoi planquer le matos et se planquer soi-même, le temps de pouvoir se faufiler jusqu'à un des nombreux points de sortie ... Que ce soit une porte annexe ou une fenêtre brisée.

Toujours est-il que Nog' attend, juste devant la porte. Derry est en retard. Mais ce n'est pas comme si c'était nouveau.

Deja plusieurs minutes de retard...foutus organiques incapables d'arriver à l'heure à un rendez-vous pensa Nog. Il était lui même arrivé discrètement dans le quartier de l'entrepôt depuis un bon bout de temps déjà, précisément à l'heure prévue comme à son habitude. Les retards l'exaspérait en effet au plus haut point.

Immobile et les bras croisés, il occupait son temps à observer toute action suspecte d'éventuelles personnes qui arpentaient le quartier à cette heure. Le commerce des substances dangereuses auquel avait recourt Nog pour se procurer de quoi arrondir ses fins de mois n'étant pas des plus légaux, il était conscient qu'il valait mieux être méfiant et rester sur ces gardes...

Peut être Derry avait il été pris, après tout c'était monnaie courante et il avait déjà perdu quelques contacts à cause d'officiers un peu trop zélés, Derry ne valait pas mieux qu'eux, mais de nos jours il est si difficile de trouver un contact fiable...et le trafiquant ne l'avait jamais déçu jusque là...Il décida donc de prendre son mal en patience encore un peu...

C'est finalement après plus d'une demi-heure d'attente que Derry pointe le bout de son nez. La journée va bientôt commencer pour les travailleurs, et déjà on peut entendre au loin la circulation des artères les plus fréquentées. Silhouette massive qui se découpe à l'entrée de la ruelle, il est égal à lui même, vêtu de la même veste miteuse d'un beige tirant sur le gris, son visage pâle aux traits tirés surmonté de son éternel béret à carreaux poussiéreux. Ses lèvres s'entrouvrent en une grimace qui pourrait être un sourire, laissant apparaître les dents noircies qui lui ont valu son surnom.

" Désolé vieux, j'ai dû faire que'ques détours ... j'crois qu'ils commencent à se douter d'quel'qu'chose au taff. "

Sous son bras, un gros colis cubique enveloppé de papier et de nombreux tours de bande adhésive, posée un peu à la va-vite semble-t-il.

" Voilà l'matos ... 75 kopekz. "

Derry affiche une mine de conspirateur, et jette des regards alentours, pour vérifier si personne ne passe dans le coin. Conspirateur ou pas, Nog' peut être sûr d'une chose : il demande beaucoup trop.

emmenant Derry à l'écart de la circulation matinale afin de trouver un coin calme à l'abri des regards pour régler la transaction, nog s'adressa à son revendeur d'une voix légèrement énervée

- Derry...tu as plus d'une demi-heure de retard et...tu as majoré tes prix dit moi, 75 kopeck pour les quelques produits que je t'ai demandé...tu n'espère quand même pas que j'acquiesce sans rien dire...je t'en offre 40 kopeck, il me semble que c'est suffisant...à moins que tu n'aie une raison valable d'essayer de m'arnaquer, et je ne veux pas entendre parler de difficultés à amener la marchandise, cela ne m'intéresse pas, c'est à toi de veiller à être plus discret.

Bien entendu je dois procéder au contrôle de la marchandise, vu la façon ou tu l'as empaquetée j'ai bien peur que quelques fioles ne se soit brisées.

Nog n'a jamais vraiment vraiment eut confiance en Derry, certes ils étaient en affaire depuis longtemps déjà, mais il était de notoriété publique Derry s'intéressait d'avantage à sa peau et à sa commission qu'a ses clients. Dans la poche de sa veste, il serrait fermement son spray incapacitant et guettait le moindre geste suspect de son revendeur...

" Ola, du calme la mécanique ! J'sais tout d'même comment trimballer c'genre de produits hein, c'pas comme si c'était mon boulot. Okay, j'ai d'jà eu une ou deux fuites, mais rien qui n'arrive à tout le monde !

Pis bon, la sécurité augmente le risque augmente, le prix augmente. C'la loi du marché. Mais comme j'suis vach'ment sympa et qu'ça fait longtemps qu'on s'connaît, j'veux bien te faire une ristourne de 20 kopekz. Hey, à ce prix là, j'me tranche la gorge ! "

Un bruit venant du fond re la ruelle fait sursauter Derry, qui jette un regard en arrière, visiblement nerveux.

" Bon, tu l'prends ou pas ? J'ai pas envie d'traîner dans l'coin, moi. "

nog détestait voir derry agir de la sorte...ça sentait le coup fourré à plein capteurs olfactifs...mais il avait besoin de ces produits, un artificier sans explosif n'était pas des plus utiles sur le marché, et le manque d'argent se faisait de plus en plus sentir...

" Voila ton argent Derry, envoie la marchandise et tache d'être à l'heure la prochaine fois...mon vieux "

il fourra l'argent dans la main du vendeur, lui arracha la paquet des mains et s'engagea dans une ruelle déserte...espérant regagner vite le labo, il avait déjà perdu trop de temps à son gout.

Alors que Nog' se détournait de son receleur pour retourner à ce qui était plus ou moins son logement, et que celui-ci prenait la ruelle en sens inverse, deux silhouettes firent irruption. A chaque extrémité de la ruelle. Deux silhouettes vêtues de combinaisons noires avec gilet pare-balles et casque de protection. Deux silhouettes armées.

Et visiblement, pas décidées à laisser passer qui que ce soit.

Foutus organiques, pensa nog, il aurait du renvoyer Derry et sa marchandise, cet échange était compromis depuis longtemps et pourtant il l'avait accepté...erreur qui risquait de lui couter cher à présent...maudit soit Derry.

Piégé au milieu de de deux brutes avec de la marchandise prohibée et de quoi faire sauter le quartier Nog fit une rapide analyse de la situation...il était assurément dans de sales draps et ne pouvait visiblement s'en sortir qu'en forcant le passage...les deux brutes n'étant pas disposées à le laisser passer sans encombres.

Glissant sa main de fer dans une des poches de sa veste, il se prépara à y prendre de quoi se défendre,. Il apostropha ensuite les deux hommes tout en se rapprochant de celui qui barrait l'accès à la rue principale. Avant d'agir, il fallait d'abord savoir à qui il avait affaire...

" un problème messieurs ? "

Il était un ferailleur....la Peur lui était étrangère et elle ne risquait pas de donner à sa voix le ton légèrement chancelant qu'aurait eut la plupart des humains dans une telle situation.

La silhouette face au ferrailleur répondit d'une voix monocorde.

" Vous vous trouvez en possession illégale de produits appartenant à Fidmatech Inc. Déposez les sur le sol et reculez. Il ne vous sera fait aucun mal. "

Un geste du canon de son fusil d'assaut vint renforcer cette injonction.

Derry, pour sa part, ne semblait pas en mener large, surtout lorsque l'individu lui bloquant la sortie parla à son tour.

" Derry Macden, vous avez été reconnu coupable de recel régulier des produits appartenant à Fidmatech Inc. Un dossier a été constitué sur vous depuis ces derniers mois. Malheureusement, lorsque nous sommes venus vous sommer de vous rendre, vous avez fait acte de résistance armée, nous contraignant à des contre mesures létales. "

Exhibant un Lavess S0S0, le milicien le jeta sur le sol aux pieds de Derry, tout en prenant bien soin de le tenir par le canon.

" Il semblerait que votre attaque à notre encontre ait vidé le chargeur. Dommage. "

Mais avant que le milicien n'ait le temps de joindre le geste à la parole, Derry se jeta par la porte entrouverte d'un entrepôt désaffecté, lâchant ce pendant un "Saloperie de putain de merde !". La salve frôla Nog'.

" Occupe toi de lui, je gère Macden ! "

Et tandis que le plus bavard des deux se jette à la poursuite de Derry, l'autre commence à lever le canon de son arme. Nog' n'a que quelques instants pour agir. Séparé d'une dizaine de mètres du milicien, la ruelle se poursuit sur une vingtaine de mètres avant de déboucher sur une autre, perpendiculaire. Et les quelques détritus ça et là ne sont pas du genre à procurer un couvert. Tenter la fuite par là, en espérant que l'autre vise mal ? Ou suivre l'exemple du receleur et plonger dans une des ouvertures ibscures qui parsèment chaque côté de la ruelle ?

Apres un bref hochement de tête lui permettant d'analyser la situation Nog' préféra mettre un mur entre lui et le tireur plutôt que de miser sur son inaptitude au tir.

Il suivit donc l'exemple de derry en pénétrant dans la première ouverture qu'il aperçu, espérant pouvoir mettre a profit le temps qu'il faudrait à l'homme armé pour le rejoindre pour le semer à travers l'entrepot.

*si j'ai le temps je balance une petite grenade que j'ai en poche dans la ruelle après avoir traversé le trou pour faire diversion, voire l'empêcher d'emprunter le même chemin*

L'avantage, quand on n'est pas un organique, c'est qu'il n'y a pas de "temps d'adaptation" pour les sens lorsqu'on se jette dans un entrepôt obscur pour échapper à l'éparpillement par balles. Qui plus est, on ne se fait pas mal en se cognant contre une caisse métallique ; on s'érafle juste un peu. Rien de bien grave.

L'entrepôt semble être une grand pièce rectangulaire, bien que l'absence d'éclairage ne permette pas à Nog' de voir jusqu'au fond. Une véritable énigme, les sens d'un ferrailleurs ... Ouïe, vue, odorat et toucher dans un certaine mesure ... Mais aucun véritable organe sensoriel. Peut être quelque chose d'autre à étudier, pour quand il se serait sorti de là ?

Bref, une pièce rectangulaire de grande taille, peut être 20 mètres de large pour ... une bonne centaine de profondeur ? Une mezzanine sans garde-fou court le long du mur de gauche, large d'une bonne dizaine de mètres, parfois sol plein, parfois sol grillagé. Un escalier non loin, haut de quatre ou cinq mètres, permet d'y monter. De hautes fenêtres étroites courent le long du mur, au dessus de cet entre-sol. De nombreuses piles de caisses métalliques, ou on néo-plastique, certaines intactes, d'autres ravagées par le temps ou le vandalisme s'entassent, faisant du sol un véritable labyrinthe. D'autres caisses se trouvent sur la mezzanine, bien qu'en nombre bien moins important. Le sol est recouvert de divers débris de caisses ou résidus textiles, ainsi que d'une bonne couche de poussière à moitié dérangée par la trace de quelques passages.

Par contre, Ferrailleur ou pas, on prend malgré tout quelques instants à se remettre après le souffle de l'explosion qui vous propulse contre un tas de bidons.

Si son poursuivant a échappé à la grenade, il ne lui faudra pas très longtemps pour arriver là. Que faire ? Se cacher parmi les caisses ? Essayer d'atteindre les fenêtres via la mezzanine ? Fuir au fond du hangar, en espérant y trouver une sortie ? Une combinaison appropriée de l'un et l'autre ?